La révolution copernicienne chez Kant et Freud
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Kant et Freud étaient conscients de la nouveauté de leur message, et de la révolution qu’il pouvait amener dans l’ordre établi, académique d’abord, mais aussi politique.
Tous deux ont revendiqué comme figure tutélaire Copernic.
Nous fournissons ci-joint des textes en allemand et en français de Kant et Freud illustrant cette filiation.
Kant se revendiquant de Copernic
Les textes de Kant proviennent de :
- pour l’allemand : KANT, Immanuel, Kritik der reinen Vernunft, Verlag von Felix Meiner in Hamburg, 1956, 766 p.
- pour le français : KANT, Immanuel, Critique de la Raison Pure, Traduction de Jules Barni revue par P. Archambault, Garnier Flammarion, 1976, 720 p.
En voyant comment les mathématiques et la physique sont devenues, par l’effet d’une révolution subite, ce qu’elles sont aujourd’hui, je devais juger l’exemple assez remarquable pour [être amené] à réfléchir au caractère essentiel d’un changement de méthode qui a été si avantageux à ces sciences, et à les imiter ici, du moins à titre d’essai, autant que le comporte leur analogie, comme connaissances rationnelles, avec la métaphysique. | <19> Ich sollte meinen, die Beispiele der Mathematik und Naturwissenschaft, die durch eine auf ein mal zustande gebrachte Revolution das geworden sind, was sie jetzt sind, wäre merkwürdig genug, um dem wesentlichen Stücke der Umänderung der Denkart, die ihnen so vorteilhaft geworden ist, nachzusinnen, und ihnen, soviel ihre Analogie, als Vernunfterkenntnisse, mit der Metaphysik verstattet, hierin wenigstens zum Versuche nachzuahmen. |
On a admis jusqu’ici que toutes nos connaissances devaient se régler sur les objets ; mais, dans cette hypothèse, tous nos efforts pour établir à l’égard de ces objets quelque jugement a priori et par concept qui étendît notre connaissance n’ont abouti à rien. Que l’on cherche donc une fois si nous ne serions pas plus heureux dans les problèmes de la métaphysique, en supposant que les objets se règlent sur notre connaissance ce qui s’accorde déjà mieux avec ce que nous désirons [démontrer], à savoir la possibilité d’une connaissance a priori de ces objets qui établisse quelque chose à leur égard, avant même qu’ils nous soient donnés. | Bisher nahm man an, alle unsere Erkenntnis müsse sich nach den Gegenständen richten ; aber alle Versuche über sie a priori etwas durch Begriffe auszumachen, wodurch unsere Erkenntnis erweitert wiirde, gingen unter dieser Voraussetzung zunichte. Man versuche es daher einmal, ob wir nicht in den Aufgaben de Metaphysik damit <20> besser fortkommen, daß wir annehmen, die Gegenstände müssen sich nach unserem Erkenntnis richten, welches so schon besser mit der verlangten Möglichkeit einer Erkenntnis derselben a priori zusammenstimmt, die iiber Gegenstände, ehe sie uns gegeben werden, etwas jestsetzen soll. |
Il en est ici comme de la première idée de Copernic : voyant qu’il ne pouvait venir à bout d’expliquer les mouvements du ciel en admettant que toute la multitude des étoiles tournait autour du spectateur, il chercha s’il n’y réussirait pas mieux en supposant que c’est le spectateur qui tourne et que les astres demeurent immobiles. | Es ist hiermit ebenso, als mit den) ersten Gedanken des Kopernikus bewandt, der, nachdem es mit der Erklärung der Himmelsbewegungen nicht gut fart wollte, wenn er annahm, das ganze Sternenheer drehe sich um den Zuschauer, versuchte, ob es nicht besser gelingen möchte, wenn er den Zusehauer sich drehen, und dagegen die Sterne in Ruhe ließ. |
En métaphysique, on peut faire un essai du même genre au sujet de l’intuition des objets. | In der Metaphysik kann man nun, was die Anschauung der Gegenstände betrifft, es auf änhliche Weise versuchen. |
Voir aussi :
<44> 2. C’est ainsi que les lois centrales des mouvements des corps célestes démontrèrent avec une parfaite certitude ce que Copernic n’avait d’abord admis que comme une hypothèse, et prouvèrent en même temps la force invisible qui lie le système du monde (l’attraction newtonienne), et qui n’aurait jamais été découverte, si, contrairement au témoignage des sens, mais avec vérité cependant, Copernic n’avait eu l’idée de chercher dans le spectateur des corps célestes, et non dans ces objets eux-mêmes, l’explication des mouvements observés. | <23> *) So verschafften die Zentralgesetze der Bewegung der Himmelskörper dem, was Kopernikus anfänglich nur als Hypothese annahm, ausgemachte Gewißeit und bewiesen zugleich die unsichtbare, den Weltbau verbindende Kraft (der Newtonischen Anziehung), welche auf immer unentdeckt geblieben wäre, wenn der erstere es nicht gewagt hätte, auf eine widersinnische, aber doch wahre Art, die beobachteten Bewegungen nicht in den Gegenständen des Himmels, sondern in ihrem Zuschauer zu suchen. |
Freud se revendiquant de Copernic
Les textes de Freud proviennent de :
- pour l’allemand : FREUD, Sigmund, Studienausgabe, Band I, Vorlesungen zur Einführung in die Psychoanalyse Und Neue Folge, S. Fischer Verlag, 1969, 662 p.
- pour le français : FREUD, Sigmund, Introduction à la psychanalyse, traduit par S. Jankélévitch, Payot, 1974, 443 p.
< p.266> C’est en attribuant une importance pareille à l’inconscient dans la vie psychique que nous avons dressé contre la psychanalyse les plus méchants esprits de la critique. Ne vous en étonnez pas et ne croyez pas que la résistance qu’on nous oppose tienne à la difficulté de concevoir l’inconscient ou à l’inaccessibilité des expériences qui s’y rapportent. Dans le cours des siècles, la science a infligé à l’égoïsme naïf de l’humanité deux graves démentis. | [p.283] Mit dieser Hervorhebung des Unbewußten im Seelenleben haben wir aber die bösesten Geister der Kritik gegen die Psychoanalyse aufgerufen. Wundern Sie sich darüber nicht und glauben Sie auch nicht, daß der Widerstand gegen uns nur an der begreiflichen Schwierigkeit des Unbewußten oder an der relativen Unzugängichkeit der Erfahrungen gelegen ist, die es erweisen. Ich meine, er kommt von tiefer her. Zwei große Kränkungen ihrer naiven Eigenliebe hat die Menscheit im Laufe der Zeiten von der Wissenschaft erdulden müssen. |
La première fois, ce fut lorsqu’elle a montré que la terre, loin d’être le centre de l’univers, ne forme qu’une parcelle insignifiante du système cosmique dont nous pouvons à peine nous représenter la grandeur. Cette première démonstration se rattache pour nous au nom de Copernic, bien que la science alexandrine ait déjà annoncé quelque chose de semblable. | Die erste, als sie erfuhr, da unsere Erde nicht der Mittelpunkt des Weltalls ist, sondern ein winziges Teilchen eines in semer Größe kaum vorstellbaren Weltsystems. Sie knüpft sich für uns an den Namen Kopernikus, obwohl schon die alexandrinische Wissenschaft’ähniches verkündet hatte. |
Le second démenti fut infligé à l’humanité par la recherche biologique, lorsqu’elle a réduit à rien les prétentions de l’homme à une place privilégiée dans l’ordre de la création, en établissant sa descendance du règne animal et en montrant l’indestructibilité de sa nature animale. Cette dernière révolution s’est accomplie de nos jours, à la suite des travaux de Ch. Darwin, de Wallace et de leurs prédécesseurs, travaux qui ont provoqué la résistance la plus acharnée des contemporains. | Die zweite dann, als die biologische Forschung das angebliche Schöpfungsvorrecht des Menschen zunichte machte, ihn auf die Abstammung aus dem Tierreich und die Unvertilgbarkeit seiner animalischen Natur ver wies. Diese Umwertung hat sich in unseren Tagen unter dem Einfluß von Ch. Darwin, Wallace und ihren Vorgängern nicht ohne das heftigste Strauben der Zeitgenossen vollzogen. |
Un troisième démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la recherche psychologique de nos jours qui se propose de montrer au moi qu’il n’est seulement pas maître dans sa propre maison, qu’il en est réduit à se contenter de renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience, dans sa vie psychique. | Die dritte und empfindlichste Kränkung aber soll die menschliche Größensucht durch die heutige psychologische Forschung erfahren, welche dem Ich nachweisen will, daß es nicht einmal Herr ist im eigenen Hause, sondern auf kärgliche Nachrichten angewiesen bleibt von dem, was unbewußt in seinem Seelenleben vorgeht. |
Les psychanalystes ne sont ni les premiers ni les seuls qui aient lancé cet appel à la modestie et au recueillement, mais c’est à eux que semble échoir la mission d’étendre cette manière de voir avec le plus d’ardeur et de produire son appui des matériaux empruntés à l’expérience et accessibles à tous. D’où la levée générale de boucliers contre notre science, l’oubli de toutes les règles de politesse académique, le déchainement d’une opposition qui secoue toutes les entraves d’une logique impartiale. Ajoutez à tout cela que nos théories menacent de troubler la paix du monde d’une autre manière encore, ainsi que vous le verrez plus loin. | Auch diese Mahnung zur Einkehr haben wir Psychoanalytiker nicht zuerst und nicht als die einzigen vorgetragen, aber es scheint uns beschieden, sie am eindringlichsten zu vertreten und durch Erfahrungsmaterial, das jedem einzeinen nahegeht, zu erhärten. Daher die allgemeine Auflehnung gegen unsere Wissenschaft, die Versäumnis aller Rücksichten akademischer Urbanität und die Entfesselung der Opposition von allen Zügeln unparteiischer Logik, und dazu kommt noch, daß wir den Frieden dieser Welt noch auf andere Weise stören mußten, wie Sie bald hören werden. |
article publié la première fois en décembre 2007
fr. Franck Guyen op, mars 2020